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On vous explique pourquoi la reprise de la dette de la SNCF par l'Etat est le cheval de bataille des syndicats

La reprise de la dette de la SNCF, qui s'élève à près de 55 milliards d'euros annuels, par l'Etat est au cœur des revendications des syndicats. Le gouvernement se dit "ouvert" à la reprise d'une partie de la somme mais les négociations s'annoncent rudes.

"C'était une mascarade." A l'issue de leur première réunion de concertation avec le gouvernement depuis le lancement de la grève contre la réforme du rail, les syndicats de la SNCF ont dénoncé jeudi 5 avril un "gouvernement qui brode" et qui "n'a pas de propositions". Lors de cette rencontre, les syndicats et le gouvernement ont abordé la question de la dette de l'entreprise ferroviaire, point crucial des négociations.

Dans la matinée, le Premier ministre, Edouard Philippe, s'est dit "ouvert" à la reprise d'une partie de la dette de la SNCF par l'Etat, mais avec des "contreparties". D'où vient la dette de la SNCF ? L'Etat peut-il la reprendre ? Eléments de réponse.

Quel est le montant de cette dette ?

Depuis 2015, la SNCF a été scindée en deux établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic), tous deux sous l'égide du groupe SNCF. D'un côté, SNCF Mobilités, chargée du transport des voyageurs, de l'autre SNCF Réseau, qui gère les infrastructures ferroviaires.

Au total, la dette annuelle de la SNCF s'élève à près de 55 milliards d'euros et c'est SNCF Réseau, selon le rapport Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire, qui en concentre l'essentiel avec une ardoise de près de 46 milliards d'euros en 2017. SNCF Mobilités affiche, de son côté, une dette commerciale de 7,9 milliards d'euros rapporte Le Monde, qui s'explique notamment par les pertes causées par l'ouverture du fret à la concurrence. A cette somme, il faut ajouter des frais financiers de 1,3 milliard d'euros en 2017 qui correspondent au remboursement de cette même dette.

D'où vient-elle ?

Entre 2010 et 2016, la dette de SNCF Réseau a augmenté de 15 milliards d'euros. Cette augmentation est principalement liée au vieillissement du réseau ferré qui nécessite des dépenses d'exploitation, d'entretien et de réparation, note le rapport Spinetta. 

Un quart de cette augmentation est lié aux quatre projets de lignes à grande vitesse (le prolongement vers Strasbourg de la LGV Est, celui vers Bretagne-Pays de la Loire, le contournement Nîmes-Montpellier et la LGV Sud-Est Atlantique vers Bordeaux). Selon un rapport d'information parlementaire sur la réforme ferroviaire de 2016, la construction de ces LGV est devenue de plus en plus chère. Par exemple, un kilomètre de la voie Tours-Bordeaux coûtait 23 millions d'euros en 2015, alors qu'un kilomètre du Paris-Lyon coûtait 4,9 millions d'euros en 1981. Une autre part de cette dette est engloutie par le maintien des petites lignes insuffisamment fréquentées, détaille Le Monde

Et plus la dette grossit, plus les frais financiers gonflent : car l'entreprise doit rembourser une dette toujours plus grande et, donc, de nouveaux intérêts liés à l'augmentation des emprunts. Chaque année, SNCF réseau paie entre 1,1 milliard d'euro et 1,3 milliard de frais financiers, ce qui alourdit la dette à long terme.

L'Etat va-t-il reprendre la dette ?

Le rapport Spinetta ne donne aucune recommandation sur la reprise de la dette par l'Etat, mais les syndicats de cheminots la réclament. "Le statu quo conduira à l'accroissement de la dette de 10 milliards d'ici la fin du quinquennat", dénonce Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots à l'issue de la réunion de concertation avec le gouvernement. "Il n'y a pas d'autre issue" que la reprise de la dette par l'Etat "parce que ce n'était pas la dette des cheminots, ni celle des usagers", a déclaré de son côté Laurent Berger de la CFDT. 

De son côté, l'exécutif reste flou sur la question. Interrogée vendredi sur franceinfo, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, a refusé de prendre un engagement clair, estimant qu'"on ne peut pas s'occuper de la dette aujourd'hui et qu'elle se reconstitue demain". La ministre a également laissé entendre que l'Etat, s'il devait reprendre la dette, n'en reprendrait qu'une partie.

Vous pensez qu’on peut se contenter de dire j’efface la dette, et elle recommence à augmenter d’un milliard et demi par an ? Il faut qu’on regarde quelle part chacun peut faire du chemin, la SNCF et l’Etat.Elisabeth Bornesur franceinfo

La veille, le Premier ministre, Edouard Philippe, s'était dit "ouvert" à la reprise d'une partie de la dette de la SNCF par l'Etat, mais avec des "contreparties" sur "le fonctionnement" du groupe. Le gouvernement propose que les trois entités actuelles du groupe soient unifiées en une seule société anonyme à capitaux publics, détenue à 100% par l'Etat et dont les titres ne pourront pas être cédés.

En cas de reprise, quelles seraient les conséquences ?

Un rapport commandé par le gouvernement en 2016, rédigé en partie par Bercy, indique qu'une reprise totale ou partielle de la dette de la SNCF par l'Etat augmenterait le déficit public au-delà des 3% du PIB imposés par les critères de Maastricht. Selon les calculs de Libération, l'année de cette reprise, la France pourrait voir son déficit augmenter de 2,1 points du PIB, soit un déficit public total supérieur à 4% cette année-là. Selon Europe 1, la dette publique du pays passerait elle à plus de 100% du PIB.

"La reprise d’un stock de dette de plusieurs milliards d’euros pèserait lourd dans les échéances de remboursement de l’Etat", écrivent les experts de Bercy. Cela pourrait avoir des conséquences sur la perception des investisseurs et marquerait un "signal négatif" sur les marchés.

Pour le moment, le gouvernement envisage de prélever une partie de la dette de SNCF Réseau pour la mettre dans une structure créée pour l'occasion et dépendant de l'entreprise publique. Cette manipulation permettrait à la dette de la SNCF d'être allégée, sans peser sur les finances de l'État, reprend Europe 1

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