L’idée même d’un baromètre sur l’attractivité de la France vous tombe des mains ? Erreur ! La dernière livraison du baromètre Ernst & Young sur l’attractivité de la France recèle moult enseignements qu’il serait dommage de négliger, quelque soit son camp.
D’abord Cocorico, France is back ! L’étude que livre lundi 11 juin ce cabinet d’audit et de conseil a de quoi redonner la pêche à notre président libéral. Oubliez le retour du glyphosate, la grogne des agriculteurs, la colère des cheminots, la misère des hôpitaux, la baisse des APL et une réforme des retraites qui s’annonce périlleuse… la France d’Emmanuel Macron séduit à l’étranger comme jamais. + 31 % d’attractivité en un an, soit 1.019 projets d’investissement sur notre beau territoire ! Mieux, pour la première fois en huit ans, Paris est jugée plus attractive que Londres : 37% des 502 dirigeants internationaux interrogés en janvier 2018 par Ernst & Young jugent notre capitale attirante. Plus 10 points par rapport à 2017 ! Qui dit mieux ? Voici six leçons à retenir de ce baromètre.
Avec 1019 projets en 2017, la France est revenue dans le peloton de tête et progresse de +31% par rapport à 2016.
1De la sortie de l’Europe tu te méfieras
A ce petit jeu, les Anglais font la soupe à la grimace. Non seulement Londres n’est plus jugée attractive que par 34% des dirigeants alors qu’ils étaient 52% à le penser en 2015. Mais surtout le Royaume-Uni perd 6 points d’attractivité par rapport à l’an passé et sa première place sur le podium des pays qui attirent le plus d’investisseurs. Ce n’est pas la catastrophe : 1.075 projets sont toujours dans les mallettes des investisseurs et le tsunami attendu des délocalisations n’a pas vraiment eu lieu. Mais la pente est glissante… Marc Lhermitte, associé Ernst & Young en charge de ce baromètre s’alarme:
"Le Royaume-Uni souffre indéniablement du Brexit. C’est la première fois, depuis que le baromètre existe, soit 10 ans, qu’ils perdent leur statut de leader. C’est pour moi l’information la plus importante de ce baromètre. Une fiscalité claire, attractive et constante, des contrats zéro heure... le Royaume-Uni était un pays hyper compétitif, hyper flexible, avec un secteur financier à la pointe, avec tout ce que cela implique comme emplois à la clefs. Or on constate aujourd’hui un vrai point d’inflexion sur la capacité du grand Londres à attirer de nouveaux sièges d’entreprises."
2 Sur l’Allemagne tu prendras modèle
Ah la constance des Allemands ! Doucement mais sûrement, l’Allemagne vient de prendre la tête du peloton. Pas d’à coups, pas de rupture inattendue... il suffit de regarder la courbe sur 10 ans des investissements outre-Rhin pour comprendre qu'inéluctablement les Allemands allaient damner le pion aux Anglais. Et ça c’est joué dans un mouchoir de poche: 1.124 projets pour le pays d’Angela Merkel, 1.075 pour celui de Theresa May.
Pourtant, ce sont les Allemands qui partaient du plus bas en 2008 : seulement 390 projets annoncés contre 522 pour la France et 686 pour le Royaume-Uni. Marc Lhermitte analyse cette ascension :
"L’Allemagne fut longtemps considérée comme l’homme malade de l’Europe, un peu comme la France entre 2005 et 2015. Au début des années 2000, elle s’est rendue compte qu’elle n’attirait pas les investisseurs étrangers malgré un coeur industriel très fort. Elle a alors flexibilisé son marché du travail tout en encourageant la consommation avec des salaires importants et développé une économie extrêmement exportatrice. C’est aussi le pays qui a attiré le plus les investissements chinois."
3 François Hollande, aussi, tu remercieras
L’effet Macron est incontestable. La cote du jeune président sur la scène internationale est intacte et les dirigeants des entreprises françaises boivent du petit lait quand ils franchissent les frontières. Mais il récolte aussi les fruits de son prédécesseur : l’an dernier aussi le baromètre E&Y faisait état de 30% d’augmentation des projets d’investissement dans l’hexagone. Pour le consultant d’Ernst & Young, la courbe de la France, à l’inverse de celle de l’Allemagne, n’a rien de linéaire. Très "flat", voire décroissante en 2012, elle opère une remontée spectaculaire à partir de 2015. Ce sont, analyse Marc Lhermitte, les effets du rapport Gallois (pacte pour la compétitivité française de l’industrie française) :
"Le rapport Gallois signe un moment symbolique où il y a un consensus pour dénoncer les problèmes de compétitivité de la France liés, entre autres, aux lourdeurs du code du travail et à la fiscalité. On se dit en gros : la France a des atouts incroyables en terme d’infrastructures, de compétences... Mais ils sont masqués par une compétitivité mise à mal par la concurrence de pays tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne, les pays de l’Est, l’Espagne, les Pays- Bas... La décision de mettre en place le CICE [crédit d’impôt pour la compétitivité, NDLR] a été salvatrice. Et l’image de la France s’est redressée. En 2017, se poursuit donc un dynamisme entamé en 2015-2016."
4 Ton industrie tu chouchouteras
Si l’on regarde dans le détail les quelque 1.019 projets nouveaux annoncés, force est de constater qu’ils sont en partie à mettre sur le compte de notre industrie, ce secteur d’activité que l’on annonçait moribond il y a quelques années. 323 projets seront donc des projets industriels, et à 86 % des extensions de sites existants. Fait marquant pour nos territoires, ils sont disséminés dans des villes petites et moyennes et dans des bassins historiques tels Chalon, Belfort, Mulhouse… "Ce sont des endroits où les investisseurs trouvent des compétences !" souligne Marc Lhermitte, qui salue au passage le peu de barrières - sinon environnementales - qu’un investisseur rencontre aujourd’hui en France lorsqu’il a un projet industriel.
5 De nouveaux sièges sociaux tu accueilleras
Entre 2016 et 2017 la France est passée du 5ème rang en terme de création de sièges sociaux au 2ème. C’est l’Irlande qui aujourd’hui tient notre ancienne position… A cette aune, le match avec le Royaume-Uni est révélateur. En 2016, les Anglais accueillaient 106 projets, en 2017 ils n’en accueillent plus que 79. En 2016, la France ne pouvait se prévaloir que de 16 implantations. Elle en attire aujourd’hui 59. Mais ne nous réjouissons pas trop vite. Le stock accumulé sur 10 ans par les Anglais est conséquent : 660 sièges créés contre 226 pour la France… et les GAFA n’ont pas encore franchi la Manche.
6 Prudent tu resteras et les dents tu serreras
La France se redresse, certes, mais il reste du boulot. Ainsi, la french-tech, si prometteuse, porte l’ambition de la "startup nation" chère à Emmanuel Macron. Mais 40% des levées de fonds au niveau européen sont encore dirigées vers le Royaume-Uni. Et pour l’instant, souligne le consultant d’Ernst & Young, les fonds de capital investissement et de capital risque sont toujours outre-Manche.
En terme de compétitivité, tous les problèmes ne sont pas effacés, indique enfin le consultant, même s’ils ont été bien atténués grâce à mise en place de la "flat tax" ou à la réforme de l’impôt sur la fortune. Des réformes qui ont justement bien du mal à passer aux yeux d'une opinion publique qui y voit, à juste titre, des cadeaux faits à la finance...
Pire, le coût du travail en France resterait toujours, aux yeux des dirigeants interrogés par le cabinet, un problème : ils sont 38 % à penser que la France doit poursuivre son action pour réduire ce coût ; ils n’étaient que 31% à le penser en 2017...
"Les dirigeants veulent plus de garanties sur l’avenir pour convaincre leurs maisons mère d’investir en France. Et l’aiguille du baromètre sur le coût du travail bouge dans le mauvais sens. Du coup le nombre d’emplois créés par projet reste faible, bien plus faible qu’au Royaume-Uni." Ainsi, avec 1.075 projets en 2017 le pays devrait accueillir 51.369 emplois. Avec 1.019 projets, la France n’en créera que 25126. Presque deux fois moins.
Le message du consultant pour accroître un peu plus l'attractivité de la France est clair : il faut encore réduire le coût du travail en France. Pas dit que les Français y soient prêts.
Corinne Bouchouchi
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