
Après plus de deux décennies d'hésitation et un intense lobbying des géants de la construction et du jeu, le gouvernement conservateur japonais doit faire définitivement adopter, cette semaine au Parlement, la loi permettant l'ouverture des premiers casinos dans le pays. Déjà voté par la chambre des députés de la diète, le texte devrait être approuvé par la chambre des conseillers - l'équivalent du Sénat - avant le 22 juillet, date de la fermeture de la session parlementaire.
Depuis des années, le Premier ministre Shinzo Abe explique que ces casinos sont un élément clé de sa stratégie de relance de l'économie nippone. En l'absence de réformes structurelles, l'exécutif mise sur une ouverture massive du pays au tourisme pour alimenter sa croissance et compenser le déclin démographique.
Explosion du tourisme
Avec la chute, à partir de 2013, du yen face aux autres grandes devises et la mise en place d'une politique de visas plus conciliante, le nombre de visiteurs étrangers a explosé dans l'Archipel. L'an dernier, 29 millions de touristes sont entrés au Japon, contre seulement 8 millions en 2012. Ils auraient généré, selon les statistiques officielles, une consommation de 4.400 milliards de yens (33 milliards d'euros).
Tokyo vise désormais officiellement les 40 millions d'entrées par an à partir de 2020 et présente les casinos comme un nouvel aimant susceptible d'attirer une nouvelle catégorie de visiteurs, venus notamment de Chine. S'étant inspiré du modèle singapourien, le gouvernement va autoriser la construction, dans plusieurs régions, de « complexes de loisirs intégrés », comprenant tous un hôtel, des salles de conférences, des galeries commerciales, des cinémas et un casino. « Ces complexes vont créer de nouveaux emplois et une nouvelle culture qui dopera la compétitivité du Japon à l'international », a justifié Shinzo Abe devant les élus.
Tous les géants du secteur ont publié des études enthousiastes pour soutenir sa démonstration. L'ouverture des trois premiers casinos dans différentes régions du pays - Tokyo, Osaka et peut-être Hokkaido - pourrait générer, selon les analystes, 1.750 milliards de yens par an de revenus, soit 15,8 milliards de dollars, soit presque l'équivalent des casinos du strip de Las Vegas (17,7 milliards de dollars en 2017).
« Si ces complexes sont implantés dans six régions, le Japon a le potentiel de devenir l'un des plus grands marchés du jeu de la planète avec au moins 24,2 milliards de dollars », affirment, dans une récente étude, les experts de « Global Market Advisors ». « On comprend que la motivation soit énorme chez tous les opérateurs américains », souffle un lobbyiste, qui espère obtenir, en 2019 ou 2020, l'une des premières licences distribuées par le gouvernement.
Collectivités locales et gouvernement très courtisés
Déjà Las Vegas Sands, MGM Resorts, Caesars Entertainment ou encore Wynn Resorts ont commencé à courtiser les collectivités locales et le gouvernement central, qui imposera une taxe de 30 % sur les revenus des complexes dont l'ouverture devrait intervenir vers 2025. Sheldon Adelson, le PDG de Sands, a assuré qu'il pourrait investir plus de 10 milliards de dollars dans un projet géant au Japon quand il n'avait débloqué « que » 5,6 milliards pour construire l'emblématique Marina Bay Sands de Singapour.
Un cadre très réglementé
Si ces chiffres fascinent les élus de la droite japonaise, l'exécutif a toutefois dû promettre un encadrement strict des opérations des casinos pour rassurer les parlementaires les plus inquiets des éventuelles conséquences sociales de cette légalisation du jeu. Les études d'opinion montrent d'ailleurs que plus de 60 % de la population reste hostile à l'ouverture de casinos.
La loi adoptée cette semaine indique ainsi que la surface réservée au jeu ne représentera au maximum que 3 % de l'ensemble des « complexes intégrés ». Par ailleurs, les Japonais ne pourront venir jouer qu'au maximum trois fois par semaine ! Ils devront aussi payer, à chaque visite, un ticket d'entrée de 6.000 yens (45 euros) quand les étrangers seront, eux, admis gratuitement. « Ces mesures doivent permettre de limiter l'addiction aux jeux même si aucune étude n'a jamais vraiment prouvé l'efficacité de ce genre de tickets sur les problèmes de dépendance », explique Ichiro Tanioka, le président de l'Université du Commerce d'Osaka.
Surveiller l'appétit des « yakuzas »
Après le vote de la loi, le gouvernement a aussi promis de mettre en place des contrôles stricts des autres délinquances potentielles associées aux casinos. Il devra particulièrement surveiller l'appétit des groupes de « yakuzas » (la pègre locale) spécialisés dans l'usure ou le risque d'une poussée de la prostitution, explique le professeur. « Mais ces risques sont gérables », assure Ichiro Tanioka, qui a lancé, à Osaka, le premier MBA du pays consacré au management de casinos.
https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/0301983704935-apres-des-decennies-de-debat-le-japon-va-autoriser-ses-premiers-casinos-2192721.phpBagikan Berita Ini
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