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Grève à la SNCF. « Les cheminots ont l’impression qu’ils ne sont plus respectés » - Ouest-France

Le climat social semble se dégrader au sein de la SNCF. Alors que de nombreux syndicats, dont la CGT, FO ou encore Solidaires, appellent à manifester et annoncent une grève illimitée à compter du 5 décembre 2019 pour défendre le régime de retraite des cheminots, des mouvements sociaux éclatent ci et là.

De nombreux conducteurs et contrôleurs ont fait valoir leur droit de retrait suite à un accident en Ardennes, le 18 octobre dernier. Ce dimanche 27 octobre, le trafic était encore perturbé dans la région PACA. Et après une journée de perturbation lundi 28 octobre, la SNCF annonce que seuls 34 % des trains circuleront ce mardi 29 octobre sur la ligne TGV Atlantique, suite à une grève de 200 agents de maintenance.

Ces actions traduisent un sentiment de colère et d’angoisse qui monte chez les cheminots, analyse Marnix Dressen, sociologue du travail.

Entretien avec Marnix Dressen, sociologue du travail, membre de FERINTER / International Railway Studies, réseau de chercheurs en sciences sociales spécialisés dans le ferroviaire

Après les mouvements sociaux de ces dernières semaines, quel est le climat social au sein de la SNCF ?

Il est très dégradé. Ce n’est pas nouveau, mais disons que ça atteint un point très élevé, comme on a pu le voir avec les affaires du droit de retrait. Je pense qu’il faut analyser cela de façon sociologique : les cheminots sont très en colère, très inquiets aussi.Quelles sont les raisons de ces mouvements sociaux ?

Les sujets d’inquiétude viennent de dossiers que tout le monde connaît : celui de la réforme des retraites, réforme que veut introduire le gouvernement sur la suppression du régime spécial. Il y a également la question de la négociation d’une convention collective pour l’ensemble des entreprises ferroviaires, qui normalement aurait dû être signée avant le 31 décembre. S’ajoute à cela la question de réduction des effectifs. Dans beaucoup d’endroits, les gens n’arrivent plus à travailler.Ce week-end, il y avait une grève en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Des agents demandent des contrôleurs. C’est prévu dans le cahier des charges, mais il y a 500 trains qui rouleraient sans, faute d’effectif, selon les organisations syndicales.Certaines causes sont-elles spécifiques à l’entreprise ?Il y a la question d’un dialogue social qui est quand même de très mauvaise qualité à la SNCF. C’est une entreprise assez conflictuelle. Elle reste probablement le dernier grand bastion ouvrier, même si elle n’est pas composée que d’ouvriers. Ça reste un des grands bastions syndicaux, même s’ils sont affaiblis par rapport à ce qu’ils étaient il y a quelques années…

Les syndicats sont-ils encore aussi puissants à la SNCF ?Les effectifs syndiqués ont diminué partout, mais on compte encore 20 % de syndiqués. C’est au-dessus de la moyenne nationale, mais ce n’est pas forcément beaucoup plus que d’autres entreprises de grandes tailles. Les syndicats ont perdu des plumes, mais ils restent importants. Et le taux de participation aux élections professionnelles, ce qui est un indicateur d’influence syndicale, reste élevé. La CGT perd du terrain mais reste de loin le premier syndicat à la SNCF.La composition sociale de l’entreprise a-t-elle changé ?Elle n’est plus la même. Le pourcentage de cadre a considérablement augmenté, parce que des fonctions d’exécution ont été filialisées, sous-traitées, et le poids de l’encadrement est beaucoup plus élevé qu’autrefois. Ça peut expliquer pour une part la diminution du nombre de syndiqués.Quels sont les corps de métiers qui sont le plus investis dans les mouvements sociaux à la SNCF ?Quand il y a des conflits du travail, ce sont essentiellement les conducteurs de train, les contrôleurs et les aiguilleurs qui se mettent en grève. Ce sont les trois métiers qui sont stratégiques pour faire rouler les trains. Les employés de bureau, les guichetiers, les cadres sont peu grévistes.

Les conducteurs, en pourcentage ne représentent que 10 % des effectifs de la SNCF, ils sont 15 000 sur 150 000. Donc quand il y a des grèves, ça ne veut pas dire qu’il y a beaucoup de grévistes, ça veut dire qu’il y a un nombre significatif de grévistes parmi les conducteurs, les contrôleurs et parfois parmi les aiguilleurs.Quel est le ressenti des cheminots qui se mettent en grève ?Il y a de l’inquiétude et de la colère. Les gens ont l’impression de donner beaucoup et de ne pas recevoir grand-chose en échange. Les cheminots ont l’impression qu’ils ne sont pas respectés. C’est vrai aussi chez les personnels hospitaliers, chez les enseignants, chez les pompiers. On voit que la question de la reconnaissance, que la difficulté de respecter leur mission, les met très en colère. Je parlerais de désarroi, de colère, de déception, d’inquiétude.Les gens se donnent beaucoup de mal, certains parce qu’ils ont un vrai sens du service public, d’autres parce qu’ils n’ont pas le choix, parce que les réductions d’effectifs, font qu’ils sont « à l’os ». Le boulot qui n’est plus fait par ceux qui sont partis retombe sur ceux qui restent. Ils ont le sentiment de ne pas pouvoir bien faire leur travail, le sentiment de toujours parer au plus pressé.Ce sentiment ambiant, comme vous en faites mention, n’est pas propre qu’à la SNCF ?Il y a une spécificité ici : c’est la culture de l’entreprise. Les cheminots ont le sentiment d’être indispensables à l’aménagement du territoire, indispensable aux échanges, aux trajets pour beaucoup de gens. Ce qui est encore plus vrai de nos jours, compte tenu de l’urgence climatique. Et ils ont l’impression qu’ils n’ont plus les moyens de remplir leurs missions.

Mais ce n’est pas si récent. Quand on observe les années précédentes, on voit que les thématiques sont récurrentes. Elles apparaissent, elles disparaissent et on a toujours l’impression que c’est vraiment nouveau.

Est-ce qu’il y a des formes d’actions, de contestations, inédites au sein de la SNCF, comme le droit de retrait exercé à échelle nationale que l’on a pu voir la semaine dernière ?En fait, cela existait lors du mouvement de 1986, mais la réglementation du droit de grève n’était pas la même. Maintenant, il y a aussi un régime spécial pour le droit de grève. Il y a toute une procédure qui fait qu’en principe, un conflit ne peut pas être déclenché immédiatement. Pour déclarer une grève, il faut au moins 15 jours de procédure.Là, on voit le retour de quelque chose qui n’existait plus trop en France : les grèves sauvages dans le service public. Depuis quelques années, il n’y avait plus à ma connaissance de grève ou d’arrêt de travail en dehors du droit de retrait. Il semble désormais que les choses sont tellement tendues que les gens n’ont plus envie de s’embarrasser de procédures.

Concernant la manifestation du 5 décembre prochain, la plupart des syndicats appellent à la grève illimitée. Est-ce que ces mouvements sociaux laissent présager une forte mobilisation ?

On peut penser à deux scénarios contradictoires sur cette question. On peut imaginer que toutes ces grèves, menées avant le 5 décembre, vont fatiguer les cheminots. Et qu’ils vont arriver en ayant déjà perdu beaucoup d’argent.

Ou à l’inverse, on peut voir les mouvements des jours et semaines dernières comme des escarmouches avant des affrontements décisifs.

Partager cet article La gare de Bordeaux a été touché par une grève, ce lundi 28 octobre.
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