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La Cour constitutionnelle allemande lance un ultimatum à la BCE - Les Échos

Sept voix contre une. Les juges constitutionnels allemands ont rejeté les plaintes contre le vaste programme d'achat de dette d'Etat (PSPP) initié par la Banque centrale européenne en 2015. La décision était très attendue car elle concerne directement les moyens d'action de la BCE et donc l'avenir de la zone euro. Le jugement, prévu initialement le 24 mars, avait été reporté à cause de la crise liée au coronavirus.

Le verdict n'est pas entièrement rassurant pour la BCE. Si les juges de Karlsruhe confirment la validité des programmes d'achats, ils y ajoutent toutefois une nuance importante. « En bref, la Cour constitutionnelle allemande constate qu'il n'y a pas eu de violation de l'interdiction du financement direct des gouvernements par la BCE, mais que les décisions de la banque centrale auraient dû être remises en cause par le gouvernement et le parlement », explique Carsten Brzeski chez ING.

Proportionnalité

Les juges constitutionnels reprochent à la BCE de ne pas voir suffisamment justifié que la décision de se livrer à des achats d'actifs était proportionnée à l'exercice du mandat de la BCE : assurer la stabilité des prix en zone euro. C'est-à-dire maintenir, à moyen terme, d'un taux d'inflation proche mais en dessous de 2 %. Ils s'opposent donc à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne. Saisie par la Cour de Karlsruhe en 2017 dans le cadre d'une question préjudicielle sur cette affaire, elle avait validé l'action de la BCE .

Plus préoccupant encore, les juges allemands lancent un ultimatum à la BCE. « Si le Conseil des gouverneurs n'adopte pas une nouvelle décision démontrant de façon substantielle et compréhensible que les objectifs de politiques monétaires poursuivis par le PSPP ne sont pas disproportionnés par rapport aux effets économiques et budgétaires qui en découlent, la Bundesbank ne pourra plus participer à la mise en place et à l'exécution du programme », écrit la cour dans son jugement. Autrement dit, elle cesserait ses achats d'actifs. En outre, la banque centrale allemande pourrait appliquer cette règle aux titres qu'elle détient déjà en portefeuille.

Risques pour la zone euro

Une décision lourde d'effets. « Certes, tempère Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, l'Allemagne n'a pas vraiment besoin des achats de la Bundesbank pour pouvoir trouver des investisseurs pour ses obligations. De ce point de vue, si la Bundesbank s'abstenait d'acheter des obligations allemandes, mais que les autres banques centrales nationales de la zone euro continuaient à acquérir des obligations émises par leurs propres pays, une crise des dettes souveraines continuerait à être évitée. »

Mais un PSPP qui limiterait les achats aux obligations d'autres pays que l'Allemagne poserait des problèmes du point de vue des critères de légalité évoqués par la Cour de Justice européenne en 2018. Celle-ci a notamment justifié la légalité du PSPP par le fait que les achats étaient répartis en fonction de la participation de chaque Etat au capital de la BCE et n'étaient de ce fait pas sélectifs. « Si les achats du PSPP deviennent sélectifs, car les obligations allemandes sont inéligibles, cela poserait un problème de légalité », estime Eric Dor.

Surtout un arrêt des achats de la Bundesbank serait un signal extrêmement négatif sur la solidité de la zone euro. Et pourrait faire courir un risque au plan d'urgence pandémie de 750 milliards d'euros décidé par la Banque centrale européenne. La menace est prise au sérieux par les marchés. Le taux italien a 10 ans a bondi de 7 points de base après la publication de la décision, pour atteindre 1, 83 %.

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