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Pertes colossales, flop du métavers… Mais que se passe-t-il chez Meta, la maison mère de Facebook ? - Ouest-France

Laminé, en pleine tempête, mauvaise passe, indicateurs dans le rouge… Depuis près de huit mois, médias et spécialistes n’en finissent plus d’enrichir leur inventaire à la Prévert pour qualifier la déroute du géant de la tech Meta, maison mère de Facebook, dirigé par Mark Zuckerberg.

Il faut dire que le prince de la Silicon Valley traverse une crise inédite, à faire pâlir Wall Street qui apprécie de moins en moins les dépenses abyssales et les déconvenues du groupe. Ce jeudi 27 octobre a d’ailleurs été une « journée noire » pour Meta dont l’action, à la Bourse de New York, a plongé de 24,56 % sur la journée, pour tomber à son plus bas niveau depuis janvier 2016.

Cours de l’action de Meta du 21 octobre au 27 octobre 2022. | CAPTURE D’ÉCRAN / NASDAQ.COM

En l’espace d’un an, Mark Zuckerberg a en outre vu sa fortune fondre comme neige au soleil, passant de 131 milliards de dollars en septembre 2021 à 51,2 milliards aujourd’hui. Lui qui se hissait encore en 2021 à la cinquième place du Bloomberg-Billionaires-Index n’est désormais plus « que » la 22e fortune mondiale. Son groupe a, quant à lui, vu ses bénéfices divisés par deux en un an.

Mais que s’est-il donc passé chez Meta ? Et peut-on réellement dire que le groupe, déjà éclaboussé par de nombreux scandales, est en déclin ? On fait le point.

Des secousses sur le marché publicitaire

Disons le clairement : la crise que traverse le groupe Meta ne lui est pas intégralement imputable. Elle est réalité la somme de multiples bouleversements, à commencer par celui du marché publicitaire dont Meta n’est pas responsable. Car, rappelons-le, Meta tire l’essentiel de ses revenus en vendant de la publicité digitale. Alors forcément, quand le marché va mal, le groupe va un peu moins bien.

« En période de crise économique, les budgets publicitaires ont tendance à se réduire », explique Julien Pillot, économiste spécialiste du numérique à l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) Grande École, contacté par Ouest-France. Pourquoi ? Tout simplement parce que, comme n’importe quel consommateur, les entreprises font des « arbitrages » en période de récession. « Un consommateur fait plus attention à ce qu’il fait en période de crise, il se restreint parce qu’il ne sait pas de quoi demain sera fait. Une entreprise, c’est la même chose. Elle va avoir tendance à jouer la carte de la précaution et faire des économies là où c’est plus facile de les faire ».

Mark Zuckerberg, le 10 avril 2018. | REUTERS

Et, comme cela a d’ailleurs été « très bien documenté », c’est toujours, en économie, le domaine de la communication qui subit, en premier, un régime drastique au sein des entreprises.

« Les entreprises réduisent la voilure au niveau de leur publicité le temps que la crise passe, car cela n’a pas de conséquence immédiate sur leur chiffre d’affaires. Cela leur permet de récupérer de la trésorerie pour faire face à un éventuel coup dur et sans toucher à leur production », détaille Julien Pillot. Irrémédiablement, une entreprise comme Meta s’en retrouve fortement lésée, les annonceurs étant plus frileux à l’idée de lui acheter de la publicité.

Pour autant, « il faut remettre l’église au centre du village ». Car, pour l’heure, « Meta ne va pas si mal que ça », tempère l’économiste. « Prenez les résultats du troisième trimestre. Sur ce trimestre, l’entreprise a tout de même fait plus de 27 milliards de chiffres d’affaires. » Il s’agit là, en clair, d’un recul de 4 % sur un an.

Une baisse des investissements

Par ailleurs, mauvaise conjoncture mondiale oblige, les investisseurs du monde entier préfèrent aujourd’hui revendre certaines de leurs actions « qu’ils jugent risquées », et ce pour réinvestir dans des titres beaucoup moins volatils. Ils investissent ainsi davantage dans « des obligations, des matières premières, ou encore dans des valeurs plus patrimoniales comme l’or », énumère Julien Pillot.

D’ailleurs, Meta n’est pas le seul groupe à pâtir de ces choix de prudence. « Le cours du Nasdaq (cours boursier qui regroupe toutes les plus grosses entreprises de la tech américaine) a décroché depuis un an. Cela montre bien que toutes les valeurs technologiques sont impactées aujourd’hui ».

Pour autant, la maison mère de Facebook souffre (beaucoup) plus que les autres puisqu’elle perd « plus que la moyenne ». « Cela veut dire qu’il se passe quelque chose chez Meta même et qui inquiète encore plus les investisseurs », analyse Julien Pillot.

TikTok, un concurrent ultra-populaire

Et c’est là où TikTok rentre dans l’équation. Au grand dam de Facebook, qui a joui pendant des années d’une quasi-exclusivité sur le marché des réseaux sociaux, l’application chinoise TikTok n’en finit de plus de prendre de la place et s’est désormais imposée comme un réseau social de premier plan, grattant une part importante du marché notamment chez les adolescents (12-17 ans). En 2021, l’application de divertissement a d’ailleurs dépassé Google en tant que site web le plus populaire au monde, d’après Cloudflare.

C’est un « concurrent redoutable », reconnaît Debra Aho Williamson, analyste d’Insider Intelligence. Le groupe Meta n’a d’ailleurs pas hésité à copier le format à succès de TikTok avec les « Reels » (des vidéos courtes de moins d’une minute) mais il peine pour l’heure à transformer ses investissements en bénéfices.

TikTok est une application mobile de partage de vidéo et de réseautage social lancée en septembre 2016. Elle est développée par l’entreprise chinoise ByteDance. | THOMAS BRÉGARDIS / OUEST-FRANCE

« Quand vous commencez à être concurrencé, notamment par TikTok, cela veut dire que les annonceurs publicitaires, ceux-là mêmes qui font vivre Meta, ont désormais d’autres choix possibles à faire », ajoute de son côté Julien Pillot.

« Avant, cela était assez logique pour les investisseurs d’arbitrer entre Facebook/Instagram et Google. Mais maintenant, ils ont ce troisième choix qu’est TikTok . Et, entre-temps, les budgets publicitaires ont eu tendance à diminuer. » Difficile donc pour Meta de monétiser davantage ses utilisateurs, surtout quand son concurrent maîtrise, semble-t-il mieux, « les nouveaux usages ».

Un niveau de croissance atteint

Et alors que TikTok a le vent en pompe, piquant sans vergogne des utilisateurs à un Facebook qui peut, par certains aspects, paraître « éculé », le réseau social de Mark Zuckerberg souffre aussi d’un potentiel de croissance qui semble « épuisé ».

Quand vous avez conquis l’ensemble de la planète, c’est difficile de continuer à croître

— Julien Pillot, économiste spécialiste du numérique à l’Inseec Grande École

« C’est une entreprise qui semble avoir conquis tout ce qu’elle pouvait conquérir. Quand vous avez conquis l’ensemble de la planète, c’est difficile de continuer à croître. Vous pouvez vous maintenir dans le meilleur des cas, ou un peu décroître », souligne Julien Pillot.

Mais l’économiste tempère : « Facebook reste tout de même le réseau social le plus utilisé dans la planète, et il comptabilise aujourd’hui 2,8 milliards d’utilisateurs. Ce n’est donc pas demain la veille que les annonceurs se couperont de ce service ».

Mais s’il veut rester dans la course, « le groupe doit malgré tout faire attention à ne pas laisser trop de parts de marché à TikTok ».

En février, Meta a d’ailleurs annoncé sa toute première perte trimestrielle d’utilisateurs actifs quotidiens. Un million de personnes ont quitté les services du groupe de Mark Zuckerberg. Un retournement qui a pu, d’une part, effrayer certains investisseurs et, d’autre part, qui a marqué là encore un bouleversement de tendance inédit depuis la création du groupe en 2004.

Un changement de politique d’Apple

Les nouvelles règles d’Apple, qui obligent désormais les applications à demander la permission des utilisateurs pour les suivre à la trace et leur envoyer des pubs, ont aussi beaucoup compliqué la tâche de Facebook et d’Instagram.

« Facebook tire la majeure partie de son argent de la publicité, a rappelé dans Forbes Mark Zgutowicz, analyste chez Benchmark. Tous ces signaux de données ont disparu, ce qui signifie essentiellement que les annonceurs ont du mal à déterminer si une campagne a réussi ou non. »

Les derniers résultats marquent une inflexion longtemps redoutée par les investisseurs

Lundi 24 octobre, le fabricant de l’iPhone a en outre annoncé que les achats de « boosts », ces outils qui permettent de promouvoir un contenu sur des réseaux sociaux, seraient désormais traités comme des dépenses dans l’application. Or Apple prélève une commission de 30 % sur ces dépenses dans les applications. Une annonce qui promet donc de faire mal au portefeuille de Meta, puisque le groupe va perdre une partie de ses recettes publicitaires sur Facebook et Instagram.

« Apple continue de faire évoluer ses règlements pour faire croître ses propres activités tout en sapant les autres acteurs de l’économie numérique », a réagi un porte-parole de Meta mercredi 26 octobre.

Cette semaine, le groupe a d’ailleurs annoncé sa toute première baisse de revenus trimestriels en juillet, en recul de 1 %, à 28,8 milliards de dollars. « Pas la catastrophe, mais après des années de croissance à deux chiffres, les derniers résultats marquent une inflexion longtemps redoutée par les investisseurs », souligne BFM Business .

Le métavers, un gouffre financier

Et comme si tout cela ne suffisait pas, le projet de monde virtuel (métavers) de Mark Zuckerberg peine toujours à convaincre les actionnaires et les particuliers qui n’y voient désormais plus qu’un gouffre financier.

Revenons quelques mois en arrière. Conscient que son groupe avait déjà besoin d’une innovation de rupture pour maintenir sa position dominante, le géant de la Silicon Valley avait, en 2021, déclaré que Facebook devenait Meta, promettant par là même le projet du métavers, un univers virtuel global que le groupe annonçait comme « l’internet de demain ».

D’ailleurs, Meta, qui se démène pour cultiver la flamme du métavers, n’a pas fait les choses à moitié et a déjà investi pas moins de 21 milliards de dollars dans le projet en seulement deux ans.

Une femme utilise un casque de réalité virtuelle au stand Meta, lors du neuvième Sommet des Amériques à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 8 juin 2022. | MIKE BLAKE / REUTERS

« Ces investissements massifs dans le métavers ont progressivement grignoté la trésorerie du géant de la Silicon Valley. Fin 2021, Meta disposait encore de 12,4 milliards de dollars de cash-flow. Depuis, sa trésorerie s’est évaporée, avec une perte moyenne de 4 milliards de dollars par trimestre », note-t-on dans les colonnes de 01.net .

De quoi effrayer les investisseurs qui peinent à être séduits par cette plate-forme où les bugs sont légion. « Lancé fin 2021, Horizon Worlds, le monde en réalité virtuelle de la firme, n’a pas encore atteint ses objectifs. Avec moins de 200 000 utilisateurs actifs mensuels, ce métavers ressemble un désert numérique. »

Lire aussi : Les employés de Facebook eux-mêmes ne sont pas conquis par le métavers, selon une note interne

Dans une note envoyée à ses employés mi-septembre, Vishal Shah, le vice-président du groupe chargé du métavers, a lui même indiqué que « beaucoup d’entre nous ne passent pas tellement de temps sur Horizon ». Au point de s’interroger : « Si nous n’adorons pas [la plateforme], comment pouvons-nous espérer que nos utilisateurs l’adorent ? »

Le défi de la concurrence

Mais pas de quoi effrayer Mark Zuckerberg qui, mardi 28 octobre, a assuré que « l’avenir n’est pas si loin ». En réalité, le fondateur du groupe californien n’a pas vraiment le choix que de trouver un nouveau souffle à son groupe. Car déjà, les autres géants de la tech arrivent dans le métavers. Le marché espère par exemple qu’Apple sorte son premier casque l’année prochaine.

« Je suis souvent très critique vis-à-vis de la stratégie de Facebook mais sur le métavers, je leur donne raison », analyse Julien Pillot. Et pour cause, « le métavers social, donc le Web 3.0 social, s’il existe un jour, ce qui n’est pas garanti, porte en lui les germes de la destruction du Web 2.0 social (LinkedIn, Facebook, Instagram, TikTok)… ».

Dans cette image non datée, fournie par Meta Connect, une personne fait l’expérience du nouveau casque VR Meta Quest Pro. | META CONNECT / AFP

Car pour l’économiste, si demain les publicitaires ont le choix entre continuer à investir sur Instagram et TikTok ou « d’investir dans les espaces publicitaires des mondes virtualisés avec un niveau d’immersion beaucoup plus fort, et donc des messages publicitaires beaucoup plus impactant », ils vont tous « progressivement s’intéresser à des campagnes d’affichage dans le métavers plutôt que dans le Web 2.0 ».

« Et ça Mark Zuckerberg l’a compris très tôt. Il s’est dit : “Si un jour ce truc existe, cela va tuer mon business. Ça ne veut pas l’affaiblir, ça va le tuer”. »

Fort de ce constat « lucide », le prince de la Silicon Valley a donc décidé de « prendre de l’avance » quitte à refroidir pour le moment les actionnaires avec cette transformation stratégique « très gourmande en capital ». « En stratégie, on appelle cela le dilemme de l’innovateur, explique Julien Pillot. Aujourd’hui Mark Zuckerberg a le choix de laisser faire en espérant que le métavers n’advienne jamais ou d’y investir, sans être sûr qu’il existe un jour, pour éviter que quelqu’un d’autre ne le fasse et tue son business ».

« Ceux qui sont patients et investissent avec nous seront récompensés au final », a d’ailleurs affirmé mercredi 26 octobre le dirigeant du groupe californien.

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