Zones de turbulence en vue à Airbus. Confrontée à une baisse des cadences de production pour son gros-porteur long-courrier A380 et son avion de transport militaire A400M, l’avionneur européen a annoncé ce mercredi à Toulouse la suppression de 3 700 postes en Europe sur ses sites industriels français, allemands et espagnols. En France, 470 emplois seraient supprimés «sans licenciement sec», a précisé Jean-Marc Escourrou, secrétaire FO, à l’issue du Comité d’entreprise européen où cette décision a été dévoilée aux représentants syndicaux du personnel de l’avionneur européen.

Avec un carnet de commandes de 1 000 milliards d’euros et un bénéfice de près de 2,9 milliards en 2017, l’avionneur se veut cependant rassurant sur les conséquences humaines de ce plan de suppression d’emploi. Airbus «s’engage à présent dans un processus social formel avec les représentants du personnel aux niveaux européen et national, en vue d’analyser les impacts potentiels de cette décision sur les effectifs de l’entreprise et de lancer conjointement des mesures d’atténuation», a précisé l’avionneur dans un communiqué diffusé ce mercredi. Soulignant au passage que l’entreprise gère «une mobilité de 12 % chaque année» et qu’elle «est en mesure d’adapter son niveau de flexibilité à travers ses divisions, fonctions et filiales afin de faciliter le redéploiement du personnel vers d’autres programmes.»

In extremis

En clair, les suppressions d’emploi devraient affecter plus fortement les filiales espagnoles, «chez qui le nombre d’intérimaires est le plus important», pronostique un cadre toulousain de l’entreprise contacté par Libération. Cette réduction de la cadence pourrait avoir des conséquences pour le site espagnol de Séville, où est assemblé l’A400M, selon l’entourage de syndicats. Sur le fond, cette annonce n’est cependant pas surprenante. «L’échec du programme A380, dont la production est passée à un exemplaire par mois en 2018 contre 27 au total en 2015, et les retards de livraison dus aux défaillances techniques à répétition de l’A400M sont parfaitement connus de la direction d’Airbus», précise ce commercial du service des ventes d’Airbus.

Concernant l’A380, l’arrêt définitif à moyen terme a été sauvé in extremis grâce au contrat signé avec la compagnie du Golfe Emirates, en janvier, pour 36 appareils, dont 20 fermes. Sur l’A400M, Airbus a également décidé de réduire les cadences afin de prolonger le programme et augmenter ses chances à l’export. L’avion a occasionné un gouffre financier de 8,5 milliards d’euros de surcoût au total pour Airbus depuis son lancement en 2003.

Petits pains

Comme toujours, les actionnaires n’ont a priori pas de soucis à se faire pour leurs dividendes. L’A320neo, le fonds de commerce d’Airbus, version remotorisée pour économiser du carburant de son avion moyen-courrier, se vend comme des petits pains auprès des compagnies aériennes du monde entier. Sur ce créneau, l’avionneur détient plus de 60 % de parts de marché. Pour satisfaire la demande, Airbus doit augmenter fortement ses cadences de production. Selon nos informations, Airbus a programmé une augmentation de sa cadence de production, qui devrait passer de 50 à 70 exemplaires dans les dix prochaines années. De quoi embaucher ou redéployer le personnel licencié pour un temps. Ça s’appelle la flexibilité.

Jean-Manuel Escarnot